Repenser l'histoire de la Rust Belt depuis 1945

Dec
07
December 7, 9:00 am
Where

Sorbonne Université, Paris

Journée d'étude organisée par AREA

Where

Sorbonne Université, Paris

Près de deux ans après la « révolte » aux élections présidentielles d’un électorat blanc et ouvrier censé incarner un Midwest authentique (Michael McQuarrie "The Revolt of the Rust Belt : Place and Politics in the Age of Anger", 2017), la journaliste et écrivaine africaine-américaine Tamara Winfrey Harris s’insurge contre l’invisibilité des minorités dans les représentations de cette région. Dans une tribune au New York Times au titre percutant, « Stop pretending Black Midwesterners don’t exist » (16 juin 2018), elle rappelle alors que son visage de femme noire représente lui aussi celui d’une région bien plus diverse et complexe qu’il n’y paraît.

S’étendant de l’ouest de l’État de New York à l’est de l’Iowa, cette région fut jusqu’au milieu du XXème siècle le cœur manufacturier et industriel du pays. Des Grandes Migrations qui ont radicalement transformé son tissu démographique à l’essoufflement de son modèle économique, jusqu’aux grandes luttes ouvrières et au mouvement pour les droits civiques, l'histoire politique et sociale de la Rust Belt a été bien documentée (voir notamment, Jefferson Cowie, Stayin' Alive: The 1970s and the Last Days of the Working Class, 2010; Nelson Lichtenstein, State of the Union: A Century of American Labor, 2002; Judith Stein, Pivotal Decade – How the United States Traded Factories for Finance in the Seventies, 2011; Thomas Sugrue, Sweet Land of Liberty: The Forgotten Struggle for Civil Rights in the North, 2008).

L'Atelier de Recherche sur les Espaces Anglophones (AREA), le séminaire des doctorant.e.s civilisationnistes du laboratoire Histoire et Dynamique des Espaces Anglophones (EA 4086) de Sorbonne Université, organise avec le Centre de Recherches Anglophones (EA 370) de l'Université Paris Nanterre une journée d’étude « jeunes chercheurs et chercheuses » afin d'ouvrir de nouvelles perspectives sur l'histoire de la Rust Belt. À travers les recherches en cours ou récemment abouties de doctorant.e.s et jeunes docteur.e.s américanistes issu.e.s de disciplines variées (histoire, sociologie, science politique, géographie), il s’agira ainsi de mettre en avant les espaces et les acteurs trop souvent relégués aux marges de l'histoire de cette région, mais qui ont tout autant contribué à façonner la Rust Belt d’aujourd’hui.

Dans le champ des études urbaines, si les œuvres des historiens Arnold Hirsch (Making the Second Ghetto: Race and Housing in Chicago, 1940-1960, 1983), Thomas Sugrue (The Origins of the Urban Crisis: Race and Politics in Postwar Detroit, 1997) ou, plus récemment, de Berryl Satter (Family Properties: How the Struggle Over Race and Real Estate Transformed Chicago and Urban America, 2010) ont contribué à faire de Chicago et de Detroit des laboratoires privilégiés dans l’étude des relations interraciales au sein de la région, d'autres espaces mériteraient une attention similaire. La ville de Cleveland a par exemple été dès 1967 la première grande ville majoritairement blanche à élire un maire africain-américain, grâce notamment à une ferveur populaire semblable à celle suscitée par Barack Obama au niveau national près de quarante ans plus tard. Dans son ouvrage récent, l’historienne Nishani Frazier rappelle d’ailleurs combien le mouvement Black Power local a influencé et façonné les trajectoires idéologiques de l'association nationale CORE, faisant de Cleveland, ou encore de Baltimore, le théâtre d’expérimentations inédites et trop peu souvent explorées dans la lutte pour la libération africaine-américaine (Harambee City: The Congress of Racial Equality in Cleveland and the Rise of Black Power Populism, 2017).

Cette journée sera également l'occasion d'enrichir et de nuancer les récits de déclin et de renaissance démographique et économique de la Rust Belt. Alors que le succès de Donald Trump en 2016 dans les États qui la constituent a donné l’image d’une Rust Belt hostile à l’immigration et au multiculturalisme, la présence accrue de Latinos nés hors du pays dans les villes de la région a pourtant contribué à stabiliser et à redynamiser des espaces en perte de vitesse (A.K. Sandoval- Strausz, « Latino Landscapes: Postwar Cities and the Transnational Origins of a New Urban America », 2014). A.K. Sandoval-Strausz parle ainsi d’une « latinisation » des villes américaines (par exemple, le quartier de Miller Street à Milwaukee ou de Pilsen-Little Village à Chicago) trop peu prise en compte dans l’historiographie, offrant ainsi un nouveau regard sur l’histoire urbaine et migratoire des États-Unis. Bien que rarement pensée comme multiculturelle, la Rust Belt est bel et bien le point d’ancrage de communautés ethniques et raciales diverses. Exemple notable, la ville de Dearborn, dans le Michigan, participe activement à l’intégration dans le récit historique national de la communauté arabe des États-Unis à travers l’ouverture en 2005 de l’Arab American National Museum, le seul du pays à être entièrement consacré à l’histoire et à la culture arabo-américaine.

Le succès des politiques de revitalisation des downtowns de Pittsburgh, Cincinnati ou encore d’Indianapolis incite enfin à se pencher sur les contextes politiques et socio-économiques qui ont favorisé leur émergence ainsi que sur leurs conséquences sociales (Tracy Neumann, Remaking the Rust Belt: The Postindustrial Transformation of North America, 2016). La ville de Youngstown, dans l'Ohio, est un autre exemple parlant de la façon dont des espaces plus périphériques peuvent être eux aussi moteurs d'innovation en matière d'aménagement du territoire. Marquée par une désindustrialisation fulgurante à la fin des années 1970, Youngstown est devenue dans les années 2000 un modèle national de « smart shrinkage », une politique visant entre autres à dépeupler certains quartiers en déclin. En nette rupture avec des approches traditionnelles orientées vers la croissance, ce type de planification urbaine offre là aussi des perspectives intéressantes pour appréhender les mutations spatiales de la Rust Belt (« Shrinking ‘Smart’? Urban Redevelopment and Shrinkage in Youngstown, Ohio », James Rhodes & John Russo, 2013).

 

Programme : 

 

9h00 : Accueil des participant.e.s.

 

9h15 - 12h30 Rethinking the History of the Rust Belt

 

Discours inaugural & présentation du livre Harambee City: The Congress of Racial Equality in Cleveland and the Rise of Black Power Populism par Dr. Nishani Frazier, Miami University, Ohio. 

https://www.uapress.com/product/harambee-city/

https://harambeecity.lib.miamioh.edu/

 

Élodie Grossi, Migrations et sociétés (URMIS) & Laboratoire de recherches sur les cultures anglophones (LARCA), Université Paris Diderot : "The Psychiatrist and the Policeman: Towards a Medicalization of the 1960s Race Riots in the Rust Belt" 

 

Olivier Mahéo, Center for Research on the English-speaking World (CREW), Université Sorbonne Nouvelle : "Radical Motown, Radical Heritage: The League of Revolutionary Black Workers"

 

Nicolas Raulin, Centre d'études nord-américaines (CENA), EHESS : "From the Rust Belt to the Sun Belt: African-American migration to the South since the 1970s" 

 

14h00 - 16h30 Sources & Methodology

 

Présentations de terrain & table ronde méthodologique (archives, histoire orale & entretiens sociologiques). Avec la participation de Dr. Nishani Frazier.

Event contact information

Comité d'organisation : Grégory Bekhtari (Université Paris Nanterre), Tamara Boussac, Marion Marchet (Sorbonne Université) 

Merci de vous inscrire (inscriptions obligatoires) via le lien suivant : 

https://www.eventbrite.fr/e/billets-journee-detudes-rethinking-the-rust-belt-since-1945-52311982548